Niveau de formation par quartier en Suisse : cartes et inégalités observées

Deux réalités contrastées dans le canton de Neuchâtel

Des données issues de l’Office fédéral de la statistique permettent d’observer la répartition des niveaux d’instruction au sein des agglomérations et des communes, jusqu’à l’échelle d’un hectare (100 mètres sur 100 mètres).

Neuchâtel, Le Haut et le Bas: des profils différents

Dans le canton, l’écart entre les zones urbaines proches du lac et le centre se révèle marqué. La Chaux-de-Fonds et Le Locle apparaissent plus associées à des formations plus courtes, tandis que certains secteurs autour de Neuchâtel présentent une concentration de formations supérieures. Le Locle et La Chaux-de-Fonds sont des villes horlogères, tandis que Neuchâtel accueille l’administration cantonale, ce qui entretient des besoins en formations universitaires. L’observation du centre-ville met en évidence une concentration d’instituts et d’emplois hautement qualifiés.

Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds: deux tissus économiques différents

Le canton cherche à atténuer ces écarts par des mesures d’organisation et de formation, notamment via le regroupement de certains services publics et l’offre des hautes écoles à travers le territoire.

Les inégalités cartographiées dans l’agglomération lausannoise

La cartographie révèle des «frontières invisibles»: les habitants qui ont interrompu leur formation après l’école obligatoire se regroupent dans des communes comme Renens et Prilly, et dans le nord-ouest de Lausanne; à l’inverse, l’est de la ville et le littoral lémanique présentent une proportion plus élevée de diplômés universitaires ou issus des hautes écoles.

Selon René Véron, professeur de géographie sociale à l’Université de Lausanne, le niveau de formation peut influencer les revenus: le salaire brut médian est de 5’000 francs pour les professionnels sortis de l’école obligatoire et de 10’000 francs pour les diplômés universitaires. Il précise toutefois que cette corrélation ne signifie pas nécessairement une moindre qualité de vie ou un niveau de délinquance plus élevé dans les quartiers moins formés, et invite à éviter toute stigmatisation.

À Genève: une dynamique différente mais des disparités existantes

Le découpage genevois est moins net: le centre accueille une population majoritairement instruite, tandis que les habitants moins qualifiés se répartissent entre Meyrin, Vernier et Onex. Les différences entre les zones centrales et périphériques demeurent toutefois visibles. René Véron rappelle que ce phénomène est universel et résulte en partie d’un développement historique; Genève a aussi fortement soutenu les logements sociaux, ce qui rend crucial le maintien de services publics de qualité pour préserver l’égalité des chances.

Villes et campagnes: une réalité nationale

La fracture socio-économique n’est pas limitée aux grandes agglomérations: Fribourg et le Valais illustrent aussi ce contraste entre zones urbaines et rurales. Les profils plus qualifiés restent plus demandés en ville, et les personnes mieux formées sont souvent plus mobiles, avec moins de retours envisagés dans leur lieu d’origine. Les villages bordant le Léman présentent toutefois des particularités liées en partie à des pendulaires et à des liens historiques au cœur des communes.

À l’échelle du pays, ce découpage témoigne d’une segmentation du territoire. Le géographe souligne que ce phénomène, répandu ailleurs, peut nourrir des phénomènes de polarisation et d’exclusion s’il n’est pas accompagné par des services publics de qualité et des échanges entre les catégories sociales; la Suisse montre relativement peu de formes de ségrégation marquée par rapport à d’autres régions.

Réalisation: Tybalt Félix, avec Julien Chiffelle et Léa Jelmini.

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