Martinique : immersion dans la cuisine métissée des chefs locaux et ses rencontres gourmandes

Immersion culinaire en Martinique : cuisine métissée et savoir-faire local

Sterelle Félix-Theodose, dite la cheffe Sterelle, organise le Dîner des Mornes. Chaque samedi, depuis mai, elle prépare un repas pour une vingtaine de convives dans le potager d’une ferme à Saint-Joseph, en Martinique. Âgée de 33 ans, elle a débuté sa carrière il y a quatre ans sur des bateaux en mer.

La cuisine n’est pas raccordée au réseau électrique : des panneaux solaires alimentent le courant. Elle privilégie l’utilisation des ressources du potager bio, cultivé en permaculture, et minimise les déchets, en favorisant le recyclage et le compostage sur l’exploitation.

Le repas du jour, le 21 octobre 2025, associe chou rouge et épinards dans une crème de carotte, giraumon et lait de coco infusé à l’anis étoilé, puis une brunoise d’ananas au basilic thaï, et enfin un fondant au chocolat rehaussé par la douceur de la noix de coco et des noix de pécan, complété par des pétales de cosmos.

La cheffe travaille notamment avec le koko nèg, une marmite antillaise en terre cuite originaire d’Afrique de l’Ouest, soutenue par trois pierres sur un feu de bois, une méthode traditionnelle de cuisson lente. Elle précise qu’elle cherche à interroger sa propre culture culinaire, en racontant une histoire ancestrale des sociétés afro-diasporiques et en se réappropriant des savoirs transmis oralement.

Métissage culinaire martiniquais : héritages multiples et influences

La cuisine martiniquaise résulte d’un mélange d’éléments amérindiens, africains, européens et asiatiques. Par exemple, les épices du colombo de poulet, plat emblématique des Antilles, puisent dans des apports indiens et sri-lankais. Cette dynamique se retrouve aussi dans le nouveau restaurant Ginger, à Fort-de-France, inauguré en février, dirigé par Vladimir François-Maïkoouva. L’établissement propose une cuisine fusion franco-asiatique : sashimi de daurade en entrée, mariné au combava et relevé d’une sauce au gingembre, de fleurs d’hibiscus et d’un piment végétarien doux endémique des Antilles.

Les poissons sont pêchés près des côtes et les accompagnements s’attachent au respect du produit brut et du terroir. La soupe de giraumon, associant coco, citronnelle et son écrevisse grillée, est présentée comme une pièce maîtresse. Le crustacé d’eau douce à la carapace bleue (Cherax quadricarinatus) vient d’un élevage du Morne-Vert, mené par André Mangatal, astaciculteur. Côté desserts, les fruits tropicaux restent à l’honneur, avec un carpaccio d’ananas parfumé au thé vert jasmin, couronné d’un sorbet citron-basilic.

Balade gourmande et patrimoine culinaire à Fort-de-France

Pour découvrir le patrimoine culinaire et les produits locaux, Tété Dwèt propose des balades gourmandes dans Fort-de-France, animées par Madly Schenin-King et Sarah Coco. Cette dernière est guide touristique et étudiante en histoire et rappelle que les acras de morue sont très populaires, bien qu’il n’existe pas de cabillaud dans les eaux martiniquaises : le poisson salé a été introduit par les colons portugais comme protéine bon marché et facile à conserver.

L’histoire de l’esclavage est indissociable de celle de la canne à sucre et de la production de rhum, boisson phare des Caraïbes. Selon la guide, l’essor du tourisme a contribué à faire évoluer la perception du rhum, longtemps considéré comme une boisson bas de gamme.

Autre point fort de la balade : la banane, aujourd’hui principale production agricole de l’île, malgré les enjeux sanitaires liés au chlordécone, insecticide utilisé entre 1972 et 1993 et qui a pollué sols et nappes phréatiques, avec des répercussions sur la santé publique (cancer de la prostate, accouchements prématurés).

Suréna et le gâteau Robinson

Enfin, la balade culinaire s’achève chez Suréna, la plus ancienne pâtisserie de l’île, fondée en 1906 et réputée pour le gâteau Robinson, cake fourré de confiture de banane et de coco ou de confiture de goyave.

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